Les Jésuites du Canada et leurs collègues souhaitent que leur manière apostolique de procéder s’inspire de l’approche ignatienne de l’accompagnement spirituel. Cette volonté est exprimée dans notre document de planification apostolique Pèlerins ensemble. Comme nous l’avons expliqué dans le premier article de cette série, des valeurs telles que l’humilité, l’écoute, la réciprocité dans la rencontre, l’hospitalité et l’engagement dans un processus intentionnel et volontaire doivent être vécues au-delà du contexte typique de l’accompagnement spirituel individuel.
Dans cet article, le P. Len Altilia, SJ, assistant provincial pour l’éducation secondaire et pré-secondaire, explique comment les jésuites et les collègues qui cheminent avec les jeunes incarnent cette manière d’être.
Cheminer avec les jeunes
Le modèle d’accompagnement spirituel peut-il être proposé à des personnes plus jeunes ? Oui, mais la manière de procéder dépend de l’âge des jeunes (secondaire, université, jeunes professionnels) souligne le P. Altilia. Au cœur de la pédagogie ignatienne, comme dans l’accompagnement spirituel, il y a l’expérience, la réflexion, et l’action, explique-t-il. Leur expérience personnelle permet aux jeunes d’illuminer certaines valeurs et questions. Ensuite, la réflexion est importante pour réfléchir à propos de ces expériences personnelles; la pédagogie ignatienne forme ainsi les jeunes pour qu’ils aient la capacité de réfléchir à leur vécu. Tout cela doit enfin mener à la capacité de prendre des décisions en accord avec l’expérience et la réflexion.
« Pour les plus jeunes et les adolescents, on propose une introduction à la vie spirituelle : il faut leur donner les outils nécessaires pour reconnaître leur expérience spirituelle d’une manière très simple. » Au St Paul’s High School à Winnipeg par exemple, l’une des options pour le cours de religion est une introduction aux Exercices spirituels dans la vie quotidienne. « Ce cours leur donne le vocabulaire nécessaire pour expliquer leur expérience intérieure et il leur donne une structure dans laquelle ils peuvent passer une période de silence en prière. Ce n’est pas compliqué, mais c’est une expérience valide des Exercices spirituels de saint Ignace », continue le P. Altilia. L’expérience est différente, plus approfondie, pour les jeunes universitaires. « L’accent pour eux c’est la sensibilité au mouvement intérieur qui indique la direction qu’ils doivent suivre pour réaliser leur vocation personnelle après leurs études. »
La pédagogie ignatienne forme ainsi les jeunes pour qu’ils aient la capacité de réfléchir à leur vécu. Tout cela doit enfin mener à la capacité de prendre des décisions en accord avec l’expérience et la réflexion.
Écouter les jeunes
L’adaptation de l’approche ignatienne de l’accompagnement spirituel, où les jésuites et les collègues écoutent vraiment ceux qui sont accompagnés, peut être vue par exemple au niveau du secteur apostolique de l’éducation des jeunes. En effet, la Commission éducation des jeunes a accepté d’entreprendre un processus, maintenant dans sa troisième année, qui donne aux jeunes une voix dans la réflexion sur la mise en œuvre des Préférences apostoliques universelles dans les différentes institutions qui composent la Commission (8 écoles, deux camps, CJI Youth Outreach, et Mer et Monde). C’est la réponse de la Commission à la 3ème PAU, Accompagner les jeunes dans la création d’un avenir plein d’espoir. « Nous l’avons appelé le Forum des jeunes », explique le P. Altilia.
Les membres de la Commission participent à ces sessions en ligne, principalement en tant qu’auditeurs, pour apprendre des jeunes quels sont leurs préoccupations et leurs espoirs, et comment ils s’engagent avec les PAU.
Comment cela fonctionne-t-il en pratique ? « Au sein de chaque institution, les jeunes interagissent avec des responsables adultes pour réfléchir aux implications des PAU dans leur institution et formuler des stratégies concrètes pour intégrer plus efficacement les PAU dans la vie de l’institution. Deux fois par an, les représentants de ces groupes se réunissent en ligne pour partager avec leurs pairs le fruit de leurs réflexions et de leur planification. Les membres de la Commission participent à ces sessions en ligne, principalement en tant qu’auditeurs, pour apprendre des jeunes quels sont leurs préoccupations et leurs espoirs, et comment ils s’engagent avec les PAU.
En plus du bénéfice évident de promouvoir une réflexion plus approfondie sur les PAU parmi les jeunes de nos institutions, il y a un autre espoir pour ce projet, à savoir que ce groupe de jeunes pourrait éventuellement devenir un groupe de réflexion qui pourrait participer à la planification apostolique dans la Province, en ajoutant la perspective des jeunes au processus. »
Se transformer en relation
L’écoute des jeunes inspirés par l’approche ignatienne de l’accompagnement spirituel transforme aussi la façon d’être dans l’apostolat.
Comme le dit le P. Altilia : « En pratiquant ce que je prêche, c’est-à-dire en réfléchissant à mon expérience d’engager des étudiants, des professeurs et des membres du conseil d’administration dans un processus de réflexion spirituelle menant à l’action, j’apprécie de plus en plus le rôle d’un leader spirituel dans l’apostolat. Cela dépasse la compréhension traditionnelle d’un administrateur pour entrer dans le domaine du leadership apostolique.
Ma compréhension de cette oeuvre a également évolué, passant d’une institution à un apostolat. Je me suis ainsi beaucoup plus concentré sur les dimensions spirituelles de la direction d’un apostolat au service de la mission du Christ. J’ai toujours su cela en théorie, mais l’expérience de l’interaction avec les étudiants, les enseignants et les membres du conseil d’administration dans le cadre de conversations spirituelles et de discernement apostolique a transformé la théorie en pratique d’une manière qui a clairement été bénie par la grâce. »
« Je me suis ainsi beaucoup plus concentré sur les dimensions spirituelles de la direction d’un apostolat au service de la mission du Christ. »
Autonomiser les jeunes
Alors qu’il était président du St Paul’s High School, le P. Altilia a vécu une expérience très consolante. Deux finissants, après avoir vécu le Ignatian Family Teach-In for Justice (une activité axée sur la justice sociale), sont venu dans son bureau et lui ont demandé : « Père, est-ce que c’est possible pour nous de former un organisme à but non lucratif ? » Pourquoi cela, demande le jésuite ? Ils ont expliqué qu’après leurs expériences, ils voulaient faire quelque chose pour les personnes pauvres et ils ont commencé à distribuer des vêtements d’hiver usagés auprès des personnes sans-abri dans les rues. « Ils ont été surpris par l’intensité de la réponse des gens, leur gratitude, et c’est à ce moment qu’ils ont décidé de rendre leur action plus large et mieux organisée. Ils voulaient donc créer un OBNL pour systématiser l’aide pour les personnes sans-abri, nommée Bundle Up Winnipeg. » Par la suite les jeunes se sont sentis outillés pour organiser une collecte de vêtements dans l’école et ils ont remplis deux fois un camion avec les vêtements ramassés, donnés à des organisations servant les personnes sans-abri. Cette organisation continue.
« C’est un exemple extraordinaire, merveilleux des résultats d’une formation spirituelle avec la réflexion qui mène à l’action », termine le P. Altilia.